top of page

La Give Box de la rue Daniel Mayer

Apprend're à donner, recevoir et rendre

C’est au cœur de ce que la municipalité nord-tourangelle vantait (pour mieux le vendre) comme un éco-quartier qu’a éclot de façon inespérée un îlot de comportement écologique, sous la forme d’une boîte, fille d’un bon sens que les plus pessimistes d’entre nous croyaient à jamais pris dans les filets de l’anthropologie libérale [1] . En cette boite, l’on trouve toute sorte de choses allant du vêtement non porté à des structures de meubles sans oublier des livres, tout ça sous la tutelle bienveillante d’un conseil mis sous forme papier et simplement fixé sur la boîte :

L’homme ayant pris l’initiative de désosser des palettes pour faire du triptyque du don[2] une réalité palpable n’eut pourtant que les douces moqueries de sa femme pour lui tenir lieu d’encouragements. L’équipe du Pressoir Tourangeau l’a rencontré à l’improviste sous un soleil de plomb qui ne fut guère assez fort pour l’empêcher de nous éblouir par sa simplicité…

Il a le bon sens des gens simples, le mot juste et courtois, l’œil pétillant et la vivacité des hommes passionnés. Sa douceur est aux antipodes de la dextérité dont il fait preuve avec ses mains, ces deux gantelets magiques, transformant la rouille en or, les matériaux jetés en objets utiles et rutilants.

Cet alchimiste au crédo simple : « Je recycle, je transforme, je crée » peut se targuer d’une réelle connaissance de la technique :

 

« Je suis chauffeur de bus à la base (depuis 26 ans) mais j’ai une formation d’électromécanicien, dessinateur industriel, dessinateur en bâtiments, stratifieur multi-procédés en matériaux composites (travail de la fibre de verre), j’ai une entreprise de fibre de verre et je suis autoentrepreneur dans le domaine de la conception et de la fabrication d’attelage remorque pour les motos »

 

Ayant passé les vingt-cinq dernières années à lutter efficacement contre le gaspillage (y compris alimentaire) par l’adoption d’un comportement raisonné et raisonnable, et ayant donc un quart de siècle d’avance sur toutes les pseudos initiatives politiques prises par la Gauche en matière de préservation de l’environnement (dont les récents combats de la Ministre de l’écologie, Ségolène Royal, en matière de lutte contre la destruction systématique des denrées en voie de péremption par les grandes surfaces). La morale minimale commune (que l’on retrouve sous le terme de « Common Decency » chez George Orwell[3]) a cet avantage considérable qu’elle ne se préoccupe guère de considérations électorales pour se décider à résoudre les problèmes qui se présentent à elle.

 

« Pourquoi ne pas, à la place de jeter, donner pour que cela puisse servir à quelqu’un qui en aurait besoin ? »

 

Cette question a, malgré sa simplicité, la force de démontrer l’impasse de la consommation à outrance lorsque même les décroissantistes du Club de Rome, qui ne sont après tout que pour une pérennisation d’un modèle productiviste doux afin de le maintenir le plus longtemps possible, ont intégré dans leur matrice idéologique que la croissance infinie dans un monde aux ressources finies est impossible. La réutilisation de produits désignés comme obsolètes par la publicité (séductrice par essence et en renouvellement perpétuel) est en soi un bras d’honneur aux sollicitations de la société du spectacle de la marchandise érotisée.

 

« Monconseil est quand même un éco-quartier (éco-quartier entre guillemets !), qui dit éco-quartier dit échange en lui-même. Ça fait des années et des années que je fais des échanges, sur donnons.org et échange.fr ; puis je me suis dit pourquoi ne pas le faire au sein-même du quartier ».

 

Par son action, cet homme montre que l’argent n’est pas le passage obligé pour la réalisation d’échanges entre les êtres ; et plus que de redonner à l’argent sa valeur originelle, celle d’un outil, il l’évacue au maximum et prône la gratuité et la générosité dans ses relations avec ses voisins. Il participe de cette logique de ré- enracinement sous-jacente à la nature humaine qui sent qu’elle se perd lorsqu’elle se coupe de sa terre et de ses ancêtres de façon trop prolongée. Quand les hommes se perdent dans l’universel et dans le trop-grand du monde, le recours au local devient une nécessité vitale…

 

En somme, nulle conscience philosophique complexe chez cet homme solaire, seul le vouloir être, et le vouloir bien-vivre le gouvernent; il est l’illustration que l’action positive n’a pas forcément un préalable théorique mais peut simplement sortir du cœur d’un seul homme, que l’humanité tient parfois à quelques bouts de bois justement assemblés et placés à l’angle d’une rue.

 



R.F

 

 

 

[1] Selon Mandeville, dans «  La Fable des Abeilles », « les vices privés font le bien public », légitimant ainsi l’adoption d’une attitude égoïste puisque n’étant plus perçue comme nuisant au bien-commun.

 

 

[2] Marcel Mauss, dans son Essai sur le don décrit le cycle du don comme « Donner », du « Recevoir », et du « Rendre ».

Cf :http://www.revuedumauss.com.fr/Pages/MMAUSS.html

 

[3] G. Orwell – Le quai de Wigan

© 2023 par "Flashinfo". Créé avec Wix.com

Faire un don avec PayPal

Partenaire

    Vous avez aimé nos articles ? Faites un don pour que le Pressoir puisse continuer à fonctionner!.

bottom of page